
Libération Journaliste Olivier Dubois – Lundi 20 mars, la captivité du correspondant de «Libération» détenu depuis près de deux ans au Sahel a enfin pris fin. Il devrait atterrir en France à l’aéroport de Villacoublay tard dans la nuit. Enfin. Après avoir été retenu captif pendant 715 jours au Sahel, Olivier Dubois est enfin libre. Le 8 avril 2021, le journaliste indépendant qui couvrait la région du Mali pour Libération, le Point et Jeune Afrique est enlevé à son domicile de Gao.
Il a finalement obtenu son calvaire le 20 mars 2023. Il a apporté un grand soulagement à ses proches et à ses collègues de Libération. A proportion de l’attente anxieuse qui rongeait tous ceux qui s’étaient mobilisés pour sa libération.
Cela faisait près de deux ans qu’elle avait commencé. Le 8 avril 2021, Olivier s’est rendu à Gao pour mener un entretien avec un haut responsable djihadiste nommé Abdallah Ag Albakaye. Albakaye est lieutenant du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim, en arabe), affilié à Al-Qaïda.
Dans la hiérarchie du groupe sahélien, cette personne occupe une position de chef intermédiaire qui supervise les opérations dans la région de Talataye. Cette interview a été refusée par Libération parce qu’ils pensaient que c’était trop risqué. Conscient du danger potentiel, le journaliste a passé plusieurs mois à préparer cette rencontre.
Lorsqu’il avait besoin d’assurances de sécurité, il écrivait des lettres à Ag Albakaye – ou du moins à un type qui signait son nom sur des messages papier passés de main en main par des intermédiaires de confiance, moins traçables que les appels téléphoniques ou les échanges électroniques. L’entretien était prévu pour 45 minutes. “Le temps est très court, mais pour notre sécurité, c’est mieux ainsi”, a conclu le communiqué d’Ag Albakaye.
Aujourd’hui, Olivier a pris l’avion pour retrouver Gao. Il est resté un moment à l’hôtel des Askia avant de partir à 14h30 et de sauter dans un pick-up Toyota qui l’attendait à un lieu de rendez-vous convenu. Cinq hommes l’attendaient à l’intérieur. Le journaliste est monté à bord du navire. Au bout de 45 minutes, comme prévu, il n’est pas revenu. Ses proches, ses collègues et sa famille ont tous commencé à attendre son retour.
Signes de vie très rares
Plus d’un mois après son enlèvement, Olivier a diffusé une vidéo de vingt secondes depuis une tente dans le désert annonçant sa propre captivité. Debout devant la caméra alors qu’il assistait le tailleur, il a avoué avoir été enlevé par les Jnim. Le 3 mai 2021, le film est sorti en salles et a été un énorme succès auprès des critiques et du public. La pression publique pour sa libération s’est accrue depuis lors. Pour qu’Olivier Dubois ne soit pas oublié, un comité de soutien animé par Reporters sans frontières a vu le jour et travaille sans relâche jusqu’à aujourd’hui.
Les amis et connaissances du journaliste sont impliqués. Libération publie chaque mois un article sur Olivier. Lundi, RFI a confirmé qu’il avait donné à sa famille le privilège mensuel de s’exprimer; il avait su « capter » leurs paroles dans le désert. Avant-hier, sur l’éco-trail parisien, des journalistes de Libé ont pu être aperçus portant des t-shirts noirs à son effigie. Entre ces moments, sa famille n’avait vu que des signes de vie extrêmement rares.
Ses fans ont diffusé une deuxième vidéo le 13 mars 2022. Le gouvernement français a obtenu le troisième accord secret en début d’année, également dans le cadre de canaux de négociation dédiés. « Un signal très encourageant », commentait alors l’équipe en charge du dossier.
Ainsi, il semble que les négociations soient arrivées à leur terme. Aucune des parties ne divulguant son identité, comme il est d’usage dans de telles transactions. Pour une raison quelconque, Olivier a disparu au Mali et a maintenant refait surface au Niger. Les autorités de Niamey ont presque certainement participé aux négociations (à tout le moins sur les questions logistiques pour faciliter l’écoulement du butin), mais les services de renseignement français ont presque certainement supervisé l’ensemble.
Une fois l’opération Barkhane terminée et les dernières troupes françaises parties du Mali l’été dernier, les militaires français se sont repositionnés dans ce pays voisin, qui connaît également une rébellion islamiste armée. Le président nigérian nouvellement élu, Mohamed Bazoum, a une connaissance approfondie de la dynamique et des acteurs du nord du Mali voisin, plus proche de Niamey que de Bamako.
Des voix bien connues
Au cours des deux années de détention d’Olivier Dubois, les relations diplomatiques entre la France et le Mali se sont détériorées jusqu’à un point de rupture historique. Après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keita, le colonel Assimi Gota a dénoncé les pactes de défense du Mali avec la France. De nombreuses troupes françaises stationnées au Mali depuis 2013 (lors de l’opération Serval, rebaptisée plus tard Barkhane) ont désormais quitté le pays.
Des déclarations incendiaires ont été faites aux Nations Unies depuis Paris et Bamako par voie de presse ou dans des communiqués rapides. Tout au long de cette période, les groupes djihadistes eux-mêmes ont été implacables dans leurs efforts d’expansion. Lundi après-midi à l’aéroport de Niamey, Olivier s’est présenté avec un autre otage, porteur d’une canne : l’humanitaire américain de 62 ans Jeffery Woodke, qui avait été enlevé au Niger en octobre 2016.
Il s’était rendu dans la région d’Abalak au Niger pour prêter assistance aux populations nomades qui y vivent pour le compte de son organisation non gouvernementale. Selon des responsables nigérians de la sécurité, Woodke a été enlevé par une organisation djihadiste, puis emmené et détenu au Mali. Les deux hommes ont été relâchés en même temps.
