Clementine Emeyé Fils – Plus d’un million de personnes ont vu votre documentaire sur votre deuxième fils autiste, intitulé Mon fils, un si long combat, lors de sa diffusion sur France 5 le 21 janvier. Avez-vous réussi à sensibiliser à l’isolement dans lequel vivent les parents français d’enfants handicapés ? discuter de leurs enfants?
Je l’espère vraiment. De nombreuses personnes qui ne connaissent pas les troubles du spectre autistique m’ont témoigné leur soutien. Ils n’auraient pas pu imaginer jusqu’où les familles devraient aller seules pour trouver de l’aide pour leurs enfants. Je montre dans le film que non seulement le gouvernement ne nous aide pas, mais que ses réglementations absurdes et autres mécanismes aggravent souvent les choses.
Y a-t-il eu des réponses officielles ?
La ministre déléguée aux personnes handicapées Marie-Arlette Carlotti m’a rejoint sur le plateau de l’émission C à Vous avec moi juste avant la diffusion du documentaire. Elle connaît le problème et a admis qu’il y avait un retard important en France.
Elle affirme avoir créé des espaces sûrs pour les enfants autistes, y compris des aires de repos pour leurs parents épuisés. L’idée de base est de placer l’enfant dans une structure d’accueil pour un temps limité, disons quelques jours ou quelques semaines, pour éviter que les parents ne deviennent fous, comme cela m’est arrivé. J’ai hâte de le découvrir !
Dans la scène finale de votre vidéo, on voit votre fils de 8 ans, Samy, complètement enveloppé dans du plastique, de la tête aux pieds, pour une séance d’emballage, une pratique théorisée par la psychanalyse mais autorisée uniquement à des fins expérimentales. Plusieurs parents vous accusent de diffuser des informations sur une technique cruelle. Un délit ?
Si vous cherchez un moyen de traiter l’autisme, je ne recommande pas plus la modification intensive du comportement ou la psychanalyse que l’emballage. Ce n’est que parce qu’ils aident un petit pourcentage d’enfants autistes qui s’automutilent en se frappant ou en se cognant la tête contre les murs que je peux plaider en faveur de ces enveloppements. C’est exactement la situation de Samy.
Mon fils réside actuellement à Hyères, dans le Var, en France, où il met à profit ses compétences d’emballage une fois par semaine à l’hôpital San Salvadour. J’ai remarqué que ces rencontres l’aidaient à se sentir mieux. En effet, la séquence du film est assez douce.
Envelopper l’enfant dans des couvertures humides et froides est un moyen infaillible d’avoir une prise ferme sur lui. Je ne vois tout simplement pas où est le mal. Quand j’emmène mon fils à l’océan, il regarde les vagues pendant quelques secondes avant de sauter et de profiter de l’eau. L’impact sur moi est le même.
Parfois, l’emballage a été fait à l’insu ou sans le consentement des familles. Est-il nécessaire de s’en soucier ?
Pour ma part, j’avais déjà amené Samy à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris pour des séances d’emballage, et le personnel avait demandé la présence des parents de Samy. Je ne participe pas aux séances à l’hôpital d’Hyères, mais le personnel a toute ma confiance. Je n’ai jamais eu à m’inquiéter d’être forcé dans une situation d’enveloppe sans donner mon consentement.
Vous êtes le seul parent dont j’ai entendu parler qui a publiquement défendu l’emballage. Comment en êtes-vous venu à croire en ses mérites pour votre fils ?
J’ai enfilé ma casquette de journaliste et j’ai enquêté avant d’essayer la technique de l’emballage avec Samy. Je ne voulais pas faire un appel précipité ici. Ensuite, j’ai contacté le principal défenseur de l’emballage, un pédopsychiatre et psychanalyste au CHRU de Lille nommé Pr Pierre Delion. Alors j’ai contacté un certain nombre de neurologues. Ces derniers affirment que le passage du froid au chaud a des conséquences physiologiques.
La libération de l’endorphine, l’hormone du bien-être, est ainsi déclenchée dans le cerveau. Cet état rend l’enfant ouvert aux stimulations extérieures comme les paroles des adultes. J’ai été convaincu par les explications scientifiques plutôt que par les hypothèses psychiatriques.
Ainsi, selon vous, un emballage non psychanalytique est-il possible ?
En un mot, oui. En fait, l’équipe d’Hyères ne promeut pas du tout la psychanalyse. Je vais vous lire la description de la séance d’emballage qu’ils m’ont envoyée [elle sort son téléphone]. C’est noir sur blanc : ces emballages sont censés être distingués des thérapies d’emballage par l’interprétation psychiatrique.
Certains parents ont peut-être suspecté que vous étiez influencé par Allo Rufo ! l’animateur Pr Marcel Rufo en raison du caractère quotidien du calendrier de production de votre émission. Rien dans cette histoire d’emballage n’intéresse Marcel Rufo. Il ne prend pas position sur l’autisme.
Je l’ai présenté une fois à Samy, mais il a été brutalement honnête quand il m’a dit : « L’autisme est incroyablement difficile ; j’ai essayé ; je n’ai pas réussi ; maintenant je fais autre chose. En revanche, c’est le gentil Pr Rufo qui m’a orienté vers l’hôpital de Hyères. Il m’en avait parlé plusieurs fois auparavant, mais je n’avais rien fait.
Au fil du temps, il m’a vu devenir de plus en plus épuisé sur le chemin du spectacle, et un matin au petit déjeuner, il a cessé de me donner mon mot à dire. J’ai reçu un coup de fil de sa part me disant que Samy passerait trois semaines dans cette région cet été, et que je devrais en profiter pour me reposer. Arrivé au bout de la corde, j’ai décidé de lâcher prise.
Et à la fin, Samy est resté à Hyères, où vous lui rendez visite tous les 15 jours environ, comme dans le film. Votre décision a déconcerté les parents inquiets qui essaient désespérément de garder leurs enfants hors de l’hôpital et en classe.
Les enfants autistes ont tendance à être assez divers. Samy fait partie de la moitié des personnes atteintes d’un handicap mental. De nombreux enfants bénéficient d’approches éducatives qui les aident à apprendre à communiquer puis à passer à l’école primaire ordinaire, mais ces stratégies n’ont pas fonctionné pour lui. Ceux-ci ont entravé son développement plutôt que de le faciliter.