Olivier Védrine – Le lendemain, alors que les chars russes déferlaient sur l’Ukraine, Olivier Védrine, directeur de l’Association Jean-Monnet (AJM), lançait “L’Appel de Kyiv”, lançant une campagne pour l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.
Même Henri Malosse, l’ancien président de l’AJM, a adhéré à cette initiative dès le départ. Pascal Junghans de l’AJM a tenu un débat au cours duquel les deux hommes ont expliqué l’élan de leur travail et ses implications suite à l’acceptation par l’Union de la demande d’adhésion de l’Ukraine le 23 juin 2022.
Olivier Védrine : J’ai passé quelques années à Kyiv, et j’ai travaillé avec l’opposition russe à Poutine. J’ai participé activement à la révolution du Maïdan (la révolution du Maïdan, ainsi appelée parce qu’elle s’est déroulée sur la place centrale de la ville de Kyiv du 18 au 23 février 2014 et a conduit à la formation d’un gouvernement pro-européen) .
Alors que personne d’autre ne l’avait vu venir, j’ai senti l’imminence de la guerre bien avant le début de l’assaut russe. Le 2 février 2022, j’ai présenté une ventilation des différents scénarios agressifs. J’ai aussi ressenti le désir intense des Ukrainiens pour l’Europe.
J’ai donc écrit “Kyiv’s Appeal” dans le Kyiv Post du 21 février 2022, espérant que l’Union serait à la hauteur des idéaux de Jean Monnet, qui prônait des mesures populistes pour fortifier l’Europe. L'”Appel de Kyiv” demandait que le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE commence immédiatement. L’appel a été publié dans La Tribune de Genève le 24 février 2022.
En conséquence, il a fait une impression immédiate et profonde sur les communautés les plus progressistes de l’Union et de l’Ukraine. La Présidence a été informée de l’Appel de la Rada (Ed. : l’Assemblée nationale ukrainienne).
Le président ukrainien Volodymyr Zelenski a ensuite fait écho à plusieurs des principaux thèmes de l’Appel dans des remarques publiques ultérieures. Les actions agressives de la Russie n’ont commencé qu’en 2022.
Depuis qu’elles ont commencé en 2014, environ 15 000 personnes des deux côtés ont perdu la vie dans le conflit. Il fallait que nous agissions. Et pour l’Ukraine, le choix logique était d’aller en Europe.
L’avenir le plus prometteur pour ce pays était son intégration dans le cadre de la souveraineté européenne, que Philippe Laurette et moi avons défendu en 2008. Notre crédibilité vient du fait qu’Olivier Védrine et moi avons joué un rôle déterminant dans le soulèvement de Maïdan en 2013-2014 et avons reçu l’Ordre de Saint Vladimir pour notre service au peuple ukrainien.
Védrine, Olivier Effectivement. Pour la Russie, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN représente une ligne rouge. Les réalités géopolitiques méritent notre attention. En accordant à l’Ukraine le statut de candidat, nous donnons au peuple ukrainien un nouvel objectif et un nouvel espoir sans pour autant provoquer Poutine.
Ce statut de candidat n’est pas une page blanche ; le gouvernement ukrainien doit l’accompagner d’une réelle volonté politique, selon Olivier Védrine. Des changements importants sont nécessaires pour résoudre ce problème.
Pour commencer, les efforts de lutte contre la corruption. Il y a fort à parier que les oligarques ukrainiens essaieront de ralentir au maximum les choses car cela signalerait un nouveau déclin de leur influence politique et économique.
Les gens, cependant, sont impatients d’accélérer le rythme. De par sa nature même de produit de la société civile, la révolution de Maïdan exigeait déjà des réformes anti-corruption. Le grand public a eu raison.
Nous, Européens, avons l’obligation de les soutenir. L’apprentissage de la démocratie est la deuxième leçon, et c’en est une avec laquelle l’Ukraine n’est pas particulièrement familière. Par conséquent, le pays doit déployer beaucoup d’efforts, cesser d’avoir des oligarques qui présentent des candidats aux élections, aller vers l’égalité des sexes, etc.
A Henri Malosse : L’État de droit en Ukraine doit être renforcé du fait du statut de pays candidat. Nous ne pouvons pas ignorer le problème ou nous enfouir la tête dans le sable. Nous sommes conscients qu’à l’heure actuelle, l’administration de Kyiv a interdit les partis, dont certains sont pro-russes mais pas tous.
La croissance et les actions des organisations d’extrême droite sont également des sources majeures d’inquiétude pour nous. Et bien sûr, il faut garder un œil là-dessus, comme vous le dites, M. Védrine.
Cependant, les groupes illégaux constituaient une menace pour les opérations militaires. La décision des autorités n’est pas particulièrement rusée, mais nous devons la comprendre même si nous ne sommes pas d’accord avec elle.
Il y a une pénurie d’organisations d’extrême droite en Ra La procédure d’adhésion en Ukraine est un puissant symbole politique et géopolitique. Plus important encore, cela prouve que l’Europe n’est pas une technocratie mais plutôt une entreprise fondée sur des valeurs.
Il démontre que les fondateurs fondateurs, dont Jean Monnet, croyaient que l’Europe défendra toujours les principes humanistes universels.Cela ne constitue pas une menace d’affrontement militaire direct avec la Russie, selon Olivier Védrine.
Les États baltes offrent à ce pays sa seule frontière terrestre avec l’Union européenne. De plus, Poutine ne considère plus l’Union européenne comme un acteur géopolitique important L’économie.