
Hélène Devynck Jeune – Combien de fois cette question m’a-t-elle été posée depuis le début des années 1990 J’ai 24 ans. Quand je ferme les yeux, je me vois journaliste. Je voudrais témoigner de ma génération. Et j’écris pour le magazine d’information télévisé français le plus populaire. L’équivalent d’une grenade pour un premier emploi.
J’ai demandé qu’il y ait toujours deux gardes en service. J’ai évité les conversations en face à face sur son lieu de travail. J’étais inquiet à ce sujet. Je me suis comporté raisonnablement. J’ai apaisé sa colère sans me plaindre. Il était assez vieux pour être mon père. Cela n’a pas du tout fonctionné pour moi.
Quelle portée a la voix d’une jeune femme inconnue par rapport à la vedette capricieuse, gloire nationale, qui règne sur le public sans contre-pouvoir ? Plutôt que d’avoir à écouter le message ennuyeux, le messager aurait pu être éliminé.
Avoir cette conversation avec mes proches les aurait mis dans une situation chevaleresque, leurs seules options étant de me défendre ou de se venger de moi. Je ne voulais pas que quelqu’un me taquine. Je ne voulais pas finir en victime. La dernière chose que je voulais, c’était que les gens pensent que je ne faisais rien de bon dans cette pièce.
La honte, la réputation ternie et la promotion gâchée revenaient toutes me hanter. Pour faire simple, j’en étais conscient. Le rapport de puissance était totalement contre moi. Au moment où j’ai ouvert la bouche, je me suis condamné à un nombre infini de couches de violence supplémentaire. Il aurait été socialement et professionnellement désastreux d’ouvrir la bouche. Je n’étais pas du tout ça.
J’ai pu me protéger tout seul avec l’équipement du navire. J’ai déjà dit que je ne reviendrais pas pour une deuxième saison. Il a jugé que je n’étais pas professionnel. La hiérarchie éditoriale de TF1 a été réorganisée. On m’a dit : « Vous en rirez dans dix ans, mais vous n’êtes pas fait pour ce métier.
Je suis fier de dire que j’ai passé les 15 dernières années de ma vie professionnelle à travailler pour LCI, l’entreprise pionnière dans le domaine de l’information continue. Plus jamais je ne ferai partie de la rédaction de TF1. J’ai complètement arrêté de regarder “20 Hours”. Dans les rares occasions où nous nous sommes rencontrés, j’ai caché mon anxiété.
TF1 pourrait rire de son roi chevaleresque qui donne des “petits bisous dans le cou”, croire à un dragueur pesant et répétitif, avertir les jeunes femmes d’un danger imminent, exposer leur soif d’autorité malhonnête et les envoyer fumer la pipe. Quel homme charmant il était. Où est le mal chez un homme complètement drapé de femmes La séduction n’est pas une marque de réussite.
Qu’elle se déroule dans un monde éclairé par des projecteurs ou dans l’ombre du directeur d’un sous-bureau d’une petite entreprise, la violence se heurte systématiquement au silence qui découle de la honte et de la dynamique du pouvoir.
De nombreuses années se sont écoulées. Sous les ponts, l’eau a coulé, tantôt sombre et tantôt claire. J’ai mis le blâme à sa place. La honte s’est dissipée. Le médicament s’est installé.
Vingt-huit ans plus tard, le cri d’une jeune femme que je ne connais pas a réveillé le souvenir endormi de ces tendres moments. C’est un complot qui a fait ses preuves dans des situations violentes : se cacher jusqu’à ce que d’autres aient un besoin urgent de vos services. Nous avons cette conversation pour que justice soit rendue.
Quelque chose à propos de ce cas spécifique a piqué mon intérêt. Il semble que les femmes qui souhaitent le plus être reconnues soient celles qui ont évité les contacts sexuels. Quant au reste d’entre nous, l’anonymat est garanti. C’est comme si les organes génitaux masculins avaient une sorte de pouvoir magique pour vous museliser lorsqu’ils se rapprochent trop, comme un vestige d’une culture perdue de l’honneur et de la salissure.
Je suis conscient des conséquences potentielles de parler ouvertement en public, notamment la possibilité d’être accusé d’une « quête inconvenante de notoriété » ou d’avoir quelque chose à gagner à se poser en victime impuissante. Ces quelques minutes douloureuses seront réduites à néant en visionnant ma photo à côté de la sienne. Chaque fois que cela se produit, un autre rouage est ajouté à la machine qui renforce activement l’immunité.
Ceux qui me connaissent bien comprennent. Mes enfants me poussent à m’ouvrir, tandis que certains de mes copains essaient de m’intimider. Qui d’autre pourra jamais témoigner si je ne peux pas.
La carrière de la journaliste débute à la fin des années 1980, lorsqu’elle revient à TF1. Après s’y être un temps perfectionnée, elle rejoint en 1994 la chaîne d’information en continu du groupe, LCI, pour y animer les journaux du soir.
Après plus de vingt ans au sein de la chaîne TF1, elle rejoint en 2009 i>Télé, une autre chaîne d’information continue. En 2010, elle fonde avec l’ancien animateur de LCI Jérôme Bertin la société de communication In&Off.
Elle affirme que Patrick Poivre d’Arvor aurait été sexuellement agressif à son égard lorsqu’elle travaillait comme l’une de ses assistantes à TF1 au début des années 1990 (elle livre son témoignage dans Le Monde du 15 mars 2021). En réponse aux accusations portées contre lui, Patrick Poivre d’Arvor nie avec véhémence tout acte répréhensible.
Hélène Devynck et Emmanuel Carrère ont une fille, Jeanne. Mais la scission aura lieu en mars 2020. Le Yoga d’Emmanuel Carrère, roman choisi pour la longue liste du prix Goncourt 2020, a été publié fin août et est immédiatement devenu le centre d’une polémique.
Hélène Devynck, citée dans Yoga, usera de son droit de réponse le 29 septembre 2020. Ce droit de réponse a été imprimé dans Vanity Fair, dans lequel elle accusait son ex-mari d’avoir ignoré l’accord écrit malgré ses demandes répétées.
