Dominique Kalifa Mort – Juin 2004. Dominique Kalifa a convoqué une conférence au Centre d’Histoire du XIXe siècle de la Sorbonne à l’initiative de Philippe Artières. Philip a acheté un vieux dossier d’archives dans une brocante pour quinze euros. Il refuse de fournir d’autres détails sur le dossier.
Personne ne peut faire penser à quelqu’un d’autre pour eux. Le dossier n’est pas avec moi au moment où je pars. C’est ainsi que le livre de Manuella de 2008, intitulé Le Dossier Bertrand, a commencé.
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de réfléchir au fait que Dominique Kalifa n’est plus parmi nous. Cela faisait deux ans que nous avions été élus à nos postes respectifs à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne en juin 2004 (moi comme maître de conférences et lui comme professeur).
La chaire laissée vacante par Alain Corbin a été occupée par un jeune professeur de 47 ans, qui est resté en poste pendant plus de 18 ans. Il avait réalisé sa thèse sous la direction de Michelle Perrot alors qu’il était étudiant à l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud (avant qu’elle ne déménage à Lyon).
En 1995, il publie à partir de cette thèse un livre bouleversant intitulé L’Encre et le sang, qui revitalise l’histoire du fait divers et le positionne comme un expert précoce dans les domaines de l’histoire criminelle, de l’histoire de la presse, de l’histoire de Paris, et l’histoire de la Belle Époque.
Ses livres ont été publiés par certains des noms les plus prestigieux de l’industrie, comme en témoignent leurs titres : La naissance de la police privée (Plon, 2000) ; Criminalité et culture au XIXe siècle (Perrin, 2005) ; Biribi (Perrin, 2009) ; Les Bas-fonds (Le Seuil, 2013) ; Atlas de la Criminalité à Paris (Parigramme, 2015) ; La véritable histoire de la « Belle Époque » (Fayard, 2017) ; Paris, une histoire érotique (Payot, 2018).
Les projets collectifs qu’il a supervisés apportent une preuve supplémentaire, en commençant par l’enquête massive et pluriannuelle qui a donné le très ambitieux Civilisation du journal (Nouveau Monde, 2011) et culminant avec son dernier collectif, une histoire des “noms d’époque” publié en 2020. aux éditions Gallimard.
Mais les artefacts physiques ne racontent pas toute l’histoire. Dominique Kalifa était dévoué à ses professeurs Michelle Perrot et Alain Corbin, et il a ainsi enseigné pendant de nombreuses années à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne sous le titre “l’histoire .
Tout au long de ses travaux, il a utilisé des recherches empiriques pour clarifier le concept fructueux d ‘«imaginaire social» – le réseau complexe de symboles et de métaphores à travers lequel les sociétés s’approprient le monde, le comprennent et le modifient.
L’année 2000 a été celle où nous nous sommes croisés pour la première fois. Cette thèse était la mienne et c’était la première fois qu’il faisait partie d’un jury de thèse. Au cours des deux années suivantes, nous avons commencé à travailler ensemble et nous sommes restés dans cette capacité pendant les onze années suivantes.
Je me souviens du jour de juin 2004 où il nous invita dans son bureau, vêtu d’un splendide tailleur blanc son élégance de dandy nous a toujours émerveillés — car, au-delà de ses travaux reconnus par les spécialistes, Dominique Kalifa n’était pas seulement un historien et un universitaire avec un parcours riche de nombreuses fonctions (directeur de laboratoire, directeur de l’école doctorale, membre du bureau de la 22e section du Conseil National des Universités…), si souvent invité à intervenir dans des colloques.
Plus rare encore, il était un lecteur vorace mais aussi très créatif. Il est prudent de supposer que les historiens sont avant tout des lecteurs avides. Cependant, il l’a fait avec un air de supériorité et un changement de regard inhabituel à voir. Depuis 1990, il collabore à la rubrique “Livres” du quotidien Libération, ce qui l’a sans doute préparé à ce rôle.
Des critiques informées et précises résumaient pour le plus large public possible les arguments clés d’un ouvrage savant. Il a utilisé cette compétence pour aider encore plus ses élèves. Du mémoire de maîtrise à la thèse de doctorat, Dominique Kalifa a tout étudié avec une grande attention, guidant la pensée des nouveaux historiens comme personne ne l’avait fait auparavant.
En lisant à haute voix des articles et des sections de la littérature scientifique, il a également démontré comment les chercheurs modernes mènent leurs travaux. Son désir d’apprendre était inépuisable.
Si récente soit-elle la production historiographique en France ou ailleurs, il l’ignore. En plus de lui, j’ai acquis une expérience précieuse lorsque j’ai commencé à animer des séminaires pour les étudiants.
En raison de ses vastes connaissances et de sa volonté de se rapprocher des gens de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, de penser et de ressentir comme eux pour lutter contre les effets du temps, il ose expérimenter de nouvelles formes d’écriture. L’intrigante “biographie sociale” du tueur de femmes Vidal a été commencée par lui et Philippe Artières en 2001.
Et c’est ainsi que trois ans plus tard, nous étions en train de bricoler une boîte d’archives d’occasion que nous avions achetées en équipe. Les personnages n’ont que de bons souvenirs de la séance et du livre qui en est résulté, moment où la satisfaction d’acquérir de nouvelles informations.